Simple variation de cycle ou retournement profond ?

Jusqu’à l’an passé, la hausse des prix moyens a permis de croire, de manière un peu illusoire, que l’activité hôtelière était en bonne santé, malgré une stagnation persistante des taux d’occupation. Quand il était encore possible de sélectionner les bons canaux de distribution et le bon mix de clientèle, l’amélioration du prix moyen était un signe de l’application efficace d’un Revenue management performant. Mais de tous les côtés les marges de manœuvre se sont restreintes et il a fallu lâcher du lest pour rester en vol.

Aujourd’hui, les deux courbes - taux d’occupation et prix moyens – s’infléchissent et l’inquiétude se lit un peu plus chaque mois dans les comptes d’exploitation. Les investisseurs, opérateurs et exploitants indépendants ont une vision terne de l’avenir immédiat. Tout le monde ne peut pas bénéficier de la clientèle internationale qui accepte encore de payer le prix fort pour une chambre dans une capitale en sous-capacité hôtelière. 

Et même dans ces situations «privilégiées», la limite est désormais atteinte. Le tourisme est de plus en plus volatile et les systèmes planétaires de comparaison tarifaire ont vite fait de pointer du doigt une ville, une région, un pays qui poussent à la hausse la courbe des prix hôteliers, sans justification évidente. La saison estivale est de plus en plus courte et ce qui a été perdu dans toutes les régions de France en raison du mauvais temps, de la défection de certaines clientèles et de la concurrence renforcée des locations privées ne va pas se rattraper sur un hypothétique mois d’août déjà au sommet de ses performances.

Le marché de l’hébergement marchand est de plus en plus tendu. Les hôteliers, qui ont consacré de lourds investissements à la rénovation de leur outil de travail et à la mise en conformité avec les nouvelles exigences de confort et de sécurité, sont naturellement choqués de voir la facilité avec laquelle une partie du marché touristique est détournée vers les sites d’échanges et de locations d’appartements. Et ce n’est pas le piteux état de notre croissance économique qui va améliorer la situation. Nous sommes entrés au niveau européen dans un cycle déflationniste qui va pousser encore plus à la baisse des prix. C’est dans ce contexte difficile qu’il faut remettre à plat la structure du compte d’exploitation pour gagner les quelques points de productivité qui permettront d’investir sur le produit et les services. La différenciation est la seule solution durable pour gagner la compétition. 

Aujourd’hui, l’industrie hôtelière doit faire face à un retournement de tendance comme elle en a vécu précédemment, mais celui-ci pourrait lui être fatal en se transformant en cercle vicieux si on n’arrive pas à redresser la barre. Sans rendement des capitaux investis, le niveau des capex va encore s’étioler et le produit hôtelier se dégrader. La demande, déjà faiblissante, va s’orienter vers d’autres formules qui profitent de conditions avantageuses tant que les règles du jeu n’auront pas été égalisées. Il est vital d’inverser la tendance et de tirer tout le potentiel du basculement vers l'économie numérique pour réduire les charges d'exploitation. 

Mais l’Etat, lui aussi, doit se préoccuper d’avoir une véritable stratégie touristique, avec un plan de bataille organisé et efficace en matière d’incitation

s à l’investissement, de contrôle de l’équité digitale, de relance de l’innovation. La prise en compte du secteur par des ministères influents et la nouvelle vision économique du Tourisme par le Parlement ont suscité des espoirs légitimes de la part des professionnels. Encore faut-il que l’action soit cohérente et ne provoque pas le doute des entrepreneurs avec des menaces constantes de nouvelles ponctions fiscales.  Suivez toute l'actualité sur Hospitality ON