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Le blog de Georges Panayotis, expert en tourisme et hôtellerie
16 juin 2014

Pas de victoire sans champions

Les professionnels qui suivent l’évolution du tourisme français depuis quelques générations auraient de quoi marquer leur scepticisme à l’annonce des énièmes Assises nationales, chargées de définir – Enfin ! Enfin? – une stratégie industrielle du tourisme pour les années à venir.

Ces assises ne font jamais que suivre celles des gouvernements précédents, de droite comme de gauche, qui ont agité tables rondes et grandes messes devant les acteurs des différents secteurs du tourisme pour leur donner un peu d’espoir de relance. En quoi celles-ci seraient-elles différentes et plus efficaces ? La considération pour ces «activités de loisirs», pas très sérieuses au bout du compte, a-t-elle changé de nature sur le fond ? On pourrait le croire en interprétant quelques signes récents d’effervescence. Que l’attribution du portefeuille ait donné lieu à quelques passes d’armes entre Bercy et le Quai d’Orsay est révélateur du nouveau statut que prend le Tourisme. L’enthousiasme et l’énergie que déploie l’actuel ministre des Affaires étrangères et ancien Premier ministre sont révélateurs de l’importance des enjeux sur la planète Terre. La nomination d’une secrétaire d’Etat plus médiatique que la ministre précédente et plus efficace dans le suivi de ses dossiers est aussi un encouragement. Que les anciens titulaires, comme Luc Chatel, fassent toujours preuve d’un intérêt soutenu pour le secteur montre aussi que les sujets sortent de la polémique politicienne pour trouver un exceptionnel degré de consensus en ces temps d’affrontement stérile. Nous avons la chance que l’accumulation des rapports, des audits, des consultations, des sessions de préparation, des travaux en commissions, des interventions parlementaires… aillent à peu près tous dans le même sens : le Tourisme est un facteur clef du développement économique, aujourd’hui encore largement sous-exploité. Le privilège insolent, dont a bénéficié la France comme destination touristique internationale, ne doit pas faire oublier que la compétition existe et qu’après la cueillette il serait temps de passer à une exploitation raisonnée et industrielle des atouts français.

Car il ne faut pas se cacher le fait que, derrière une réussite globale du secteur, les problèmes et les défis s’amoncèlent gravement. La rentabilité des exploitations part en quenouille devant la mainmise des grands distributeurs en ligne ; l’attractivité des métiers du tourisme peine à trouver un second souffle même quand l’emploi est en souffrance dans le reste du pays ; la sécurité des touristes et l’image du pays se dégradent parmi nos marchés sources les plus prometteurs ; les déséquilibres se creusent entre quelques régions privilégiées et un désert touristique français qui stagne… Bref, il y a de quoi faire pour sortir une véritable feuille de route incitatrice.

L’Etat a une mission régalienne d’accompagner et de faciliter les opérations des acteurs du terrain, en créant les conditions d’une concurrence saine et stimulante ; en libérant les freins au financement et en assouplissant les règles des nouveaux investissements ; en relançant une véritable politique d’aménagement qui ne s’est plus manifestée depuis les années 90. Au moment où nous faisons paraître le bilan mondial de l’activité hôtelière 2014, il est symptomatique de constater que les groupes français se font dominer par les groupes anglo-saxons et bientôt rattraper par les groupes chinois. Plus inquiétant encore, comment assurer la « transition numérique » du tourisme, pourtant un secteur toujours pionnier sur internet, quand aucun champion du digital n’est français ? Face à des mastodontes américains, allemands ou hollandais qui ont investi massivement, les français sont en queue de peloton, faute de moyens et d’avoir su rassembler les énergies. Qui s’étonnera que les meilleurs mathématiciens et ingénieurs français partent pour la Silicon Valley, quand aucun groupe français n’offre de perspectives comparables ? A l’heure de la mondialisation, mieux vaut s’unir plutôt que diviser pour mieux régner, mais les français se défient des puissants. Le problème, c’est que sans centres de formation, sans champions et sans travail d’équipe il n’y a pas de victoire possible, et à la fin ce sont toujours les Allemands ou les Américains qui gagnent. Dans un tel contexte, il serait heureux que les responsables économiques et politiques arrêtent de se renvoyer la balle et, plutôt que de jouer sans cesse en défense, déploient (enfin ?) une vraie stratégie offensive dans l’un des secteurs, le tourisme, où la France a le plus de potentiel.

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